Les mots qui nous empêchent de comprendre nos animaux 💬
🧠 1. Pourquoi les mots comptent
On ne s’en rend pas toujours compte, mais les mots que l’on emploie façonnent notre regard.
Ils influencent ce que l’on perçoit, ce que l’on croit… et surtout, ce que l’on décide de faire.
Dire “il est agressif”, “il est malpropre”, ou encore “il fait exprès” n’est pas objectif. Ça raconte déjà une histoire. Ce sont des mots chargés d’interprétation, qui déclenchent des émotions, des jugements… et des réactions souvent inadaptées.
Ils créent des associations mentales automatiques, souvent négatives :
– Dire “malpropre”, c’est penser “agaçant, sale”.
– Dire “dominant”, c’est penser “rapport de force, montrer qui est le chef”.
– Dire “agressif”, c’est penser “mauvais, malveillant”.
Autrement dit : nos mots orientent nos actions.
Et tant qu’on parle mal, on risque de mal agir.
Changer un mot, ce n’est pas “être à la mode”, ni être “révisionniste”
C’est le premier pas vers une relation plus juste et plus lucide entre l’humain et l’animal.
Et peut-être que vous, en lisant ces lignes, vous vous dites :
“Mais moi je traite très bien mon animal, je ne crie pas, je ne punis pas, je le respecte… alors pourquoi devrais je changer mon vocabulaire ?”
C’est une réaction naturelle, et même légitime : Si vos mots n’influencent pas négativement votre comportement envers votre animal, pourquoi les remettre en question ?
Parce que cette réflexion dépasse votre foyer.
Changer de vocabulaire, ce n’est pas uniquement pour vous.
C’est aussi pour les autres.
Pour ceux qui utilisent ces mots pour justifier des comportements inadaptés :
– Priver d’eau un animal qui urine dans des endroits que nous ne tolérons pas,
– Taper son chien pour ne pas qu’il nous “domine”,
– Ignorer un animal en détresse parce qu’il “fait un caprice”.
Les mots qu’on emploie nourrissent une culture.
Et cette culture, elle est entendue, transmise, répétée… souvent sans recul.
Mais ce n’est pas seulement une question d’influence.
C’est aussi, tout simplement, une question de vérité.
Certains mots que l’on utilise au quotidien pour parler des animaux sont, en plus d’être mal compris, objectivement faux.
Pas juste maladroits ou mal interprétés, mais inexacts.
D’un point de vue éthique, scientifique, comportemental : ils ne décrivent pas la réalité.
Et c’est précisément ce qu’on va voir maintenant.
Quels sont ces mots ? Pourquoi sont-ils faux ?
Et surtout : comment mieux parler…pour mieux comprendre.
📚 2.Ces mots qu’on utilise encore…et qui posent problème
🐕 “Maître”
On l’entend partout. C’est devenu un réflexe : “son maître”, “le maître de…”,
Mais soyons honnêtes : ce mot n’a rien à faire là.
Un animal n’est ni un esclave, ni un élève. Et vous n’êtes pas son supérieur, son chef ou son prof de maths.
Vous êtes son humain, à la manière dont il est votre animal. Celui qui partage sa vie, qui prend soin de lui, et qui répond à ses besoins.
Le mot “maître” donne une image hiérarchique de la relation, de “domination”. Et c’est exactement le genre d’idée qui nourrit encore aujourd’hui des erreurs éducatives, des punitions inutiles ou des rapports de force absurdes.
✅ À la place, on peut dire :
– son humain,
– ou, si l’on souhaite rester neutre : Son propriétaire (c’est beaucoup moins chargé que “maître”).
🐾 “Trouble du comportement” / “Comportement anormal” / “Problème de comportement”
Ces expressions donnent l’impression que le chat est “cassé”. Comme s’il avait un bug, un dysfonctionnement interne.
Mais un comportement qui dérange l’humain est rarement anormal chez le chat.
Beaucoup de comportements gênants du point de vue de l’humain sont soit parfaitement naturels, soit des réponses à un environnement inadapté.
C’est juste là qu’il a jugé que c’était le meilleur endroit pour faire ce qu’il avait à faire.
Griffer, uriner, déposer une odeur…ce sont des besoins incompressibles.
S’il les exprime à cet endroit, ce n’est pas pour vous embêter, mais parce que dans son monde à lui, ça fait sens.
✅ À la place, je parle plutôt de :
– comportement indésirable/dérangeant
– comportement adaptatif
– situation de cohabitation difficile,
– ou difficulté rencontrée avec votre chat.
🧠 “Thérapie comportementale” / “Hyperactivité” / “Anxiété” / “Dépression”/ “PICA”
Ces mots sentent bon la médecine et les troubles psychologiques.
Mais voilà : je ne suis pas vétérinaire.
Et sauf si vous l’êtes vous-même, vous ne l’êtes pas non plus.
Employer ce genre de termes, c’est entretenir une confusion entre consultation comportementale et prise en charge médicale. C’est oublier que ces mots relèvent d’un diagnostic vétérinaire, encadré, précis, réservé à un corps de métier auquel je n’appartiens pas.
🔴 Et au-delà de la déontologie, il y a un vrai risque derrière tout ça :
Celui de participer, sans s’en rendre compte, à la médicalisation excessive de nombreux animaux.
Des chats sous anxiolytiques alors que leur environnement est simplement inadapté. Des traitements lourds alors qu’un réaménagement ou une meilleure compréhension aurait suffi.
✅ À la place, je parle simplement de :
– chat stressé, stress longue durée
– chat très actif,
– forte dépendance à l’humain,
– grande appétence pour la nourriture,
– ingestion de matières non comestibles…
C’est plus juste. Et surtout : plus honnête.
💢“Chien/Chat agressif”
Ce mot est terrible. Il réduit un comportement momentané à une étiquette permanente.
On ne naît pas “agressif”.
On réagit. À une peur, à un inconfort, à une tension, ou à un cumul de signaux ignorés.
Dire qu’un animal est “agressif”, c’est faire croire qu’il est “mauvais”, qu’il “a un problème”, ou qu’il “est méchant par nature”. Et c’est précisément ce genre d’idées qui pousse beaucoup de gens à punir, à rejeter… voire à abandonner leur animal.
⚠️ Or une conduite agressive n’est qu’un moment, une réponse à une situation donnée.
Elle n’est ni permanente, ni irréversible.
✅ Ce qu’on peut faire, c’est :
– Identifier les déclencheurs qui mènent à ces réactions,
– Adapter l’environnement, la relation, ou les routines,
– Réduire peu à peu l’intensité de ces réponses en rendant l’animal plus serein, plus compris, plus à l’aise.
C’est pour ça que je parle plutôt de :
– Conduites agressives,
– Réponses défensives,
– Signaux de mise à distance.
C’est plus juste, plus respectueux… et surtout, ça laisse une vraie place à la compréhension et au changement.
🧴 “Phéromones”
C’est un mot qu’on entend partout, et surtout à la mode dans les pubs.
Mais scientifiquement, on ne peut pas vraiment parler de phéromones chez le chat.
Une véritable phéromone, c’est une molécule simple, propre à une seule espèce, qui déclenche une réponse immédiate, automatique, et sans apprentissage chez un autre individu de la même espèce.
Or chez le chat, ce n’est pas du tout ce qu’on observe :
– Les substances qu’il sécrète sont des mélanges complexes, pas des molécules simples.
– Elles peuvent avoir un effet même sur d’autres espèces (comme les chiens), ce qui sort du cadre “intra-spécifique”.
– Les effets ne sont pas toujours nets, ni instantanés. Un chat peut y réagir intensément… ou pas du tout.
– Ces réponses varient selon chaque individu : Son vécu, son environnement, ses apprentissages.
En réalité, il serait plus juste de parler de molécules sémiochimiques :
C’est un terme qui regroupe toutes les substances chimiques porteuses d’un message, dont les phéromones font partie…mais pas seulement.
✅ C’est pourquoi, dans mes accompagnements, je préfère parler de :
– composés chimiques,
– molécules sémiochimiques
– Communication chimique
C’est plus rigoureux, plus scientifique
Et surtout, ça évite de faire croire qu’un diffuseur miracle peut tout régler.
📩 Si vous voulez aller plus loin sur le sujet, je serai ravi d’en parler plus en détail avec vous lors d’un rendez-vous.
🔧 “Corriger un comportement”
Le mot “corriger” suppose qu’il y a quelque chose de “faux” chez l’animal.
Comme si son comportement était une erreur à effacer.
Mais un animal, n’est pas un problème à corriger. C’est un individu à comprendre.
Un comportement ne tombe jamais du ciel : il a une cause, une fonction, un sens.
Et vouloir “le corriger” sans chercher à le comprendre, c’est souvent passer à côté de l’essentiel. Ce que l’on cherche alors, c’est à le rediriger vers un comportement plus compatible avec son environnement. Et pour ça, on doit adapter ce fameux environnement à lui — pas l’inverse.
✅ À la place, je dis plutôt :
– Accompagner un changement,
– Proposer des ajustements,
– Aider l’animal à mieux s’adapter.
🛠️ “Donner la solution”
C’est un mot qu’on aime beaucoup. Surtout pour rassurer.
Mais ça donne l’illusion qu’il existe une recette magique, une réponse unique qui marche à tous les coups.
Or, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne.
Chaque situation est différente. Chaque binôme humain-animal est unique.
Et un bon professionnel ne “donne pas la solution” : il propose des pistes, des adaptations, des expérimentations à affiner ensemble.
✅ Du coup, je parle plutôt de :
– propositions de changement,
– accompagnement sur-mesure,
– ou plan d’ajustement global.
🗺️ Territoire, domaine vital : deux notions à ne pas confondre
On entend souvent dire qu’un chat “défend son territoire”, ou qu’un chien “protège sa maison”.
Mais là encore, les mots induisent en erreur.
En réalité, ce que beaucoup appellent “territoire” est plus justement ce qu’on appelle un domaine vital.
🔍 La nuance est importante :
Le territoire, en éthologie, désigne un espace défendu en permanence, de manière exclusive, contre tout intrus.
Le domaine vital, c’est l’espace de vie de l’animal. Celui où il mange, dort, explore, interagit…
Il peut parfois être défendu, mais ce n’est ni constant, ni systématique.
🐾 Nos chiens et nos chats ne sont pas des sentinelles postées à l’entrée d’un périmètre.
Ils balisent, communiquent, adaptent leur comportement à ce qu’ils vivent.
Parler de territoire, c’est risquer de tout ramener à de la “défense” ou de la “dominance”.
Or, leur présence, leurs marquages, leurs ajustements n’ont pas toujours vocation à exclure, mais souvent à coexister.
🔴 “Fait une crise de jalousie”
⚠️ Ce type d’interprétation humanise à l’extrême : la jalousie implique une projection, une comparaison sociale, une intentionnalité… ce que nos compagnons n’ont pas.
✅ → Préférer : “réagit à un changement dans la dynamique relationnelle”, “montre des signes de frustration ou de stress”, “a du mal à gérer l’arrivée d’un nouveau membre”.
🔴 “Il est manipulateur / il me teste”
⚠️ On attribue ici des intentions stratégiques et conscientes à un comportement souvent simplement appris par renforcement (positif ou négatif). L’animal n’a pas de plan diabolique. Il agit en fonction de ce qu’il a appris qui fonctionne.
✅ → Préférer : “comportement conditionné”, “réponse à une attente non satisfaite”, “cherche à obtenir quelque chose par le comportement qu’il a intégré”.
🔴 “Dominant”
C’est sans doute le mot le plus galvaudé du monde canin.
Un chien qui monte sur le canapé ? Dominant.
Qui tire en laisse ? Dominant.
Qui grogne ? Encore dominant.
Sauf que non.
Il ne cherche pas à vous “dominer”. Il exprime une émotion, un inconfort, un besoin non comblé. Et croire qu’il veut “prendre le pouvoir”, c’est être complètement à côté de la plaque.
Ce mythe de la dominance vient d’une étude menée sur des loups (nos chiens ne sont pas des loups)…en captivité.
Le chercheur à l’origine de cette théorie, David Mech, a passé le reste de sa carrière à la démonter.
Aujourd’hui, on sait que la hiérarchie sociale naturelle des loups sauvages n’a rien à voir avec ce qu’on a longtemps imaginé.
🔴 “Caprice”
⚠️ Le mot suppose que l’animal peut volontairement décider de faire un comportement déplaisant sans autre but que “provoquer”. C’est encore de l’anthropomorphisme : On attribue à l’animal des caractéristiques humaines.
✅ → Préférer : “Signe de frustration”
🔴 “Il fait ça pour se venger”
⚠️ Anthropomorphisme pur. La vengeance implique une conservation mentale d’un événement négatif, une projection dans le futur…bref, un raisonnement complexe qu’on n’attribue ni aux chats, ni aux chiens.
Oui, parfois un animal agit “plus tard”. Comme ce chat qui attaque en pleine nuit après s’être fait gronder plus tôt dans la journée.
Mais ce n’est pas de la vengeance.
En réalité, c’est souvent une tension qui reste stockée, puis ressort dès qu’un contexte favorable se présente. Par exemple, quand l’humain dort. Ce que l’animal fait, c’est réagir avec décalage, parce qu’à ce moment-là, il se sent capable d’agir alors qu’il était inhibé plus tôt.
✅ → Préférer : “ Réponse émotionnelle, différée”.
🔴 “Obéissant” / “obéissance”
⚠️ Là aussi, on place l’animal dans une logique de soumission/hiérarchie, comme si son rôle était de “faire ce qu’on attend de lui” sans prendre en compte ses besoins propres.
✅ → Préférer : “coopérant”, “à l’écoute”, “réagit positivement à la demande”, “a intégré certaines routines”.
🔴 “Il est méchant”
⚠️ Le mot “méchant” n’a aucun sens en comportement animal. C’est une étiquette morale, pas une analyse comportementale.
✅ → Préférer : “a des réponses agressives”, “est très réactif dans certaines situations”, “exprime une défense intense face à ce qu’il perçoit comme une menace”.
🔴 “Il sait qu’il a fait une bêtise”
⚠️ Ce qu’on interprète comme de la “culpabilité” est souvent une réponse à notre propre ton/attitude, pas une reconnaissance d’une “faute morale”. Il ne sait pas qu’il a fait une bêtise : Il sait que lorsqu’il effectue un certain comportement, son humain le punit.
✅ → Préférer : “réagit à l’attitude de son humain”, “montre des signes de stress”,
🎯3. Pour conclure :
Disons nous la vérité : certains de ces mots, on les a tous utilisés.
Par réflexe, parce qu’on les a toujours entendus, ou juste parce qu’on n’a jamais pensé à les remettre en question.
Mais voilà : parfois, les mots peuvent avoir des conséquences.
Alors si on peut dire les choses autrement — avec plus de justesse, plus de sens, et moins d’interprétation — pourquoi s’en priver ?
Changer deux ou trois termes, c’est pas grand-chose. Mais dans la tête de certains, ça peut faire toute la différence.
Et si ça vous parle, si vous voulez aller plus loin ou juste en discuter tranquillement : je suis là pour ça.
📞 Un message, un rendez-vous, et on voit ça ensemble.